La garantie décennale est une assurance souscrite qui a un double intérêt. Pour le constructeur ayant souscrit la garantie, les malfaçons et dommages sur un ouvrage qui engagent leur responsabilité en sont couverts. Pour le maître de l’ouvrage, il s’agit d’un gage de professionnalisme du constructeur. D’où l’intérêt de vérifier que le constructeur a souscrit une garantie décennale travaux sur les travaux qu’on est amené à le confier. La mise en jeu de la garantie décennale débute à la réception d’un ouvrage. Mais c’est ce moment qui pose souvent un problème en cas d’absence de caractérisation de la réception tacite d’un ouvrage : absence de réception, de réserve et responsabilité contractuelle.
Début de la garantie décennale à la réception de l’ouvrage
Selon l’article 1792-6 du Code civil, la réception de travaux est un acte juridique qui déclare l’acceptation de l’ouvrage, avec ou sans réserve, par le maître de l’ouvrage. La réception d’un ouvrage marque le début des diverses garanties, à l’exemple de la garantie de parfait achèvement au cours de la première année et de la garantie décennale au cours des dix ans. Le Code civil précise que la réception peut se faire à l’amiable ou sur décision judiciaire, la jurisprudence prévoit une réception tacite. La Cour de cassation admet depuis 1986 la réception tacite d’un ouvrage lorsqu’elle est caractérisée par l’acceptation de l’ouvrage par le maître de l’ouvrage malgré les désordres constatés avant celle-ci. En l’espèce, un maître de l’ouvrage a confié à une entreprise de construction la rénovation d’un hangar en bureaux. Alors qu’une partie des travaux est réalisée, le maître d’ouvrage constate la défectuosité d’un chéneau de la couverture, et refuse les reprises proposées ainsi que le paiement du solde du marché. Un expert a été désigné et l’affaire fut par la suite portée devant les juridictions. Les premiers juges ont écarté la réception tacite des travaux et condamnent le constructeur sur le fond de sa responsabilité contractuelle, ce qui ne permet pas de faire jouer son assurance de responsabilité décennale. L’entreprise doit donc réparer les désordres affectant l’ouvrage, payer le coût des travaux de reprise et payer des dommages et intérêts pour trouble de jouissance suite au désordre. Face à décision qui ne permet pas de faire jouer sa garantie décennale, l’entreprise se pourvoit en cassation en invoquant une réception tacite des travaux par le maître d’ouvrage.
Réception tacite des travaux par le maître d’ouvrage
Dans sa décision du 15 juin 2017, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’entreprise responsable en précisant qu’une notification par courrier avait été émise par le maître d’ouvrage pendant les travaux précisant son refus du chéneau et au paiement du solde du contrat. Le constructeur n’a pas pu justifier les critères précisés par la Cour de cassation sur la réception tacite d’un ouvrage, à savoir la prise de possession de l’ouvrage sans restriction et le paiement en entier de l’entreprise. En l’espèce, la possession de l’ouvrage n’était pas prouvée par le constructeur que ce soit pour sa destination prévue ou pour tout autre usage. Rappelons que l’absence de reconnaissance de la réception tacite d’un ouvrage ne permet pas de faire intervenir son assureur de responsabilité décennale. Du coup, le constructeur doit assumer personnellement le coût des travaux de reprise.
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